Pierre Dumortous. Histoire des conquêtes de Louis XV. Tant en Flandre que sur le Rhin, en Allemagne & en Italie, depuis 1744, jusques à la Paix conclue en 1748. Ouvrage enrichi d’Estampes, représentant les Sièges & Batailles, & de Plans des principales Villes assiégées & conquises. Paris, De Lormel, 1759. In-folio (44 x 29,5 cm), faux-titre, titre, vj, 181, [1] pp. Frontispice allégorique avec Louis XV en médaillon par François Boucher, 27 planches de batailles et 14 cartes et plans de villes hors-texte, 7 vignettes et 5 culs-de-lampe, dessinés par A. Benoît, L. Boquet, C. Eisen et gravés par L. Lempereur, J.J. Pasquier, L. Legrand, C. du Bosc. Veau fauve écaillé de l’époque, dos à 6 nerfs fleuronné, p. de titre en maroquin rouge, triple filet doré sur les plats avec armes dorées au centre, double filet doré sur les coupes, tranches dorées.
Édition originale. Rare récit remarquablement illustré d’une partie de la guerre de succession d’Autriche, campagnes de 1744 en Flandre, en Allemagne et en Italie, campagnes de 1745 et de 1746 à 1748 en Flandre. Magnifiques scènes et plans de villes et de batailles.
Avocat au Parlement de Paris, Pierre Dumortous eut l’honneur de remettre en mains propres un exemplaire de son œuvre à Louis XV, véritable monument élevé à la gloire militaire du monarque qui avait commandé en personne ses armées lors de ces campagnes victorieuses. « Depuis S. Louis, aucun Roi de France n’avoit battu les Anglois, en personne, en bataille rangée » (p. 65, Fontenoy).
Notre exemplaire est aux armes de Charles de Rohan, prince de Soubise, (1715-1787), qui participa aux campagnes et fut l’aide-de-camp du Roi. L’ouvrage est publié peu de temps après que le prince fut fait maréchal de France, le 19 octobre 1758, soulignant ainsi sa participation aux conquêtes royales de 1744 à 1748. Le 26 octobre 1744, « le Prince de Soubise étant de tranchée, une pierre lui cassa le bras, il fut transporté au quartier général, le Roi en fut touché, & l’alla voir le lendemain » (note k p. 20) ; le prince est également cité pp. 23, 48, 72, 95, 136 et 180.
Ami d’enfance et intime de Louis XV, il fut son aide de camp à la bataille de Fontenoy en 1745, maréchal de camp en 1747, et nommé lieutenant général en 1748. Puis Louis XV le nomme en 1751 gouverneur général de la Flandre et du Hainaut, gouverneur, chef et grand bailli de Lille. En 1755, il est ministre d’État. Défait à Rossbach en 1757, il prend sa revanche en 1758 à Sondershausen et à Lutzelberg et reçoit pour ces faits d’armes la dignité de maréchal de France. Il ira par la suite de défaites en défaites. « Ce général, souligne Guigard, connu seulement par ses défaites, sans doute pour se venger des refus de Bellone, se jeta dans la bibliophilie à corps perdu. » Il réunissait dans son cabinet « les chefs-d’œuvre typographiques de tous les lieux et de tous les temps ; les ouvrages les plus rares et les plus splendidement habillés. »
Les armes qu’il fit apposer sur notre exemplaire ne marquant pas sa récente dignité, il y fit ajouter les bâtons de maréchal. L’exemplaire n’en est que plus précieux.
Luxueux exemplaire, bien complet, la liste des planches mentionnant par erreur 42 planches (le plan de Bruges a été compté deux fois). Les gravures, en excellent tirage, sont protégées par des serpentes.
Cohen, Livres à gravures, 337. Pour les armes : Guigard, Armorial, II, 415-416, variante ; O. H. R., pl. 2034, variante du fer n°1, auquel ont été ajoutés les bâtons de maréchal. Manque au catalogue de la vente de la bibliothèque du prince de Soubise, en 1788.
De la bibliothèque de Roland Thibaut, avec son ex-libris gravé.
Quelques rousseurs au texte, une petite tache au plan de Tournay, épidermures sur les plats, quelques discrètes restaurations.
L’exemplaire est enrichi, montés sur onglet, de 4 documents signés par des protagonistes de ces conquêtes à Jean-Jacques du Portal, ingénieur en chef strasbourgeois, qui y a participé. 3 lettres signées du comte d’Argenson, ministre de la Guerre, qui « accompagna le Roi partout » à Fontenoy (p. 64) (2 concernant la campagne de 1744, la dernière celle de 1748), et d’un ordre de réquisition signé par Jean Moreau de Séchelles, intendant des Flandres entre 1745 et 1748, cité pp. 96 et 181.
Jean-Jacques du Portal (1701-1773) fut lieutenant-général. Ingénieur ordinaire en 1720, il fut accepté à Strasbourg sous les ordres de son père, servit au siège de Kehl en 1733, à celui de Phillipsburg en 1734 et fut de l’attaque de Prague en 1741. Il participa au siège d’Egra en 1742, puis à la défense de Prague où il remania la citadelle et fortifia les bords de la Moldau. En 1743, il commanda une brigade sur le Rhin et fortifia les bords du fleuve. L’année suivante, en 1744, il prit part à l’attaque de Wissembourg, des lignes de la Lauter et des retranchements de Soufflenheim. Comme brigadier, il dirigea en 1746 les siège de Mons, Charleroi, Namur et en 1748 celui de Maastricht. Il fut directeur des fortifications de la haute et basse de 1758 à 1759. Brigadier d’infanterie en 1759 et maréchal de camp en 1762, il fut employé comme tel à la fortification de l’île de Saint-Domingue tout en gardant son commandement de Normandie. Promu lieutenant général en 1773, il mourut en activité. Il a laissé trois mémoires sur la ville et le château de Caen (1769-1771) qui furent publiés en 1905. (Archives historiques de l’Armée, 1re série, dossier 1 045 ; Dictionnaire de biographie française, XII, 1970, 493 ; A. Blanchard, Dictionnaire des ingénieurs militaires 1691-1791, Montpellier, 1979, p. 606-607).
Comte d’Argenson. Lettre signée, Versailles, le 6 avril 1744, à M. [Jean-Jacques] Duportal, ingénieur en chef à Strasbourg. 1 p. in-4°. Nommé sous-brigadier à « l’une des Brigades d’ingénieurs qui doivent servir à l’armée qui sera commandée par M. le Mal de Coigny, vous vous rendrez à Strasbourg pour la fin de ce mois, vous y recevrez les ordres de M. Quénau de Clermont, Mal de Camp, Commandant en chef toutes les Brigades. »
Comte d’Argenson. Lettre signée, [?], le 25 septembre 1744, à M. [Jean-Jacques] Duportal, chef à Strasbourg. 1 p. in-4°. « Sur le rapport qu’a fait M. Daumale, Monsieur, du rang que chacun des ingénieurs destinés au siège de Fribourg, devoit prendre relativement a ses services et a son ancienneté, le Roy vous a nommé pour servir en qualité de brigadier de la sixième brigade. »
Comte d’Argenson. Lettre signée, Paris, le 5 juillet 1748, à Jean-Jacques Duportal, ingénieur en chef de Strasbourg a [Maastricht biffé] Lille. 1 p. in-folio. « J’ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m’avés écrite le 10 du mois dernier avec les plans et les mémoires qui l’accompagnoient contenant vos observations tant sur les ouvrages de Maastricht que sur les opérations du siège. Je m’en feray rendre compte avec plaisir, et je suis persuadé que je trouveray dans ce travail autant de témoignages de vôtre talent, qu’il en donne de vôtre zêle pour le service. »
Jean Moreau, seigneur De Sechelle. Lettre signée, Bruxelles, 12 juillet 1748. 1 p. in-4°. En-tête aux armes royales. « M. du Portal Brigadier des ingénieurs employé a l’armée, étant obligé de se transporter dans différens endroits du Pays en Flandre et en Brabant pour l’exécution des ordres du Roy ; il luy sera fourny dans chacun des lieux villes bourgs et villages du Comté de Flandres, de la flandre hollandoise, soit de l’Escaut et du Brabant, le logement, et des guides a pied et a cheval lorsque les chefs officiers en seront requis. »
L’un des ouvrages les plus recherchés sur le règne de Louis XV à la provenance prestigieuse, enrichi de précieux documents.
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