L’Ă©mir Abd el-Kader propose un duel au duc d’Aumale. « Si vous voulez envoyer pour le combat singulier votre chef le fils du Roi, moi l’esclave de Dieu, je me prĂ©senterai contre lui. »

Sceau d'Abd el-Kader

 

Abd el-Kader [ عبد القادر بن Ů…Ř­ŮŠ الدين ] [Abdelkader ibn Muhieddine dit] (Mascara, 1808 – Damas, 1883]), Ă©mir arabe d’AlgĂ©rie, Ă©crivain, poète, philosophe, rĂ©sistant militaire, homme politique et thĂ©ologien soufi, fondateur de l’État algĂ©rien. Lettre signĂ©e avec son sceau. Sans lieu, 10 de safer le bon 1256 (13 avril 1840), au MarĂ©chal [ValĂ©e] et aux gĂ©nĂ©raux qui commandent les troupes françaises en AlgĂ©rie. 1 p. bi-feuillet in-4°. En arabe avec sa traduction d’époque, signĂ©e et annotĂ©e par Franciade Fleurus Duvivier (1794-1848), gĂ©nĂ©ral de division, dĂ©putĂ© et Ă©crivain, « pour traduction que je crois exacte Â», 2 pp. et ½ bi-feuillet in-4°.

Abd el-Kader défie le duc d'Aumale en combat singulier

Belle lettre empreinte de principes chevaleresques et de guerre sainte.

Cet Ă©crit, de la main d’un secrĂ©taire, « copiĂ© d’après le registre qui nous a Ă©tĂ© envoyĂ© par notre maĂ®tre Ă©mir des croyans, vainqueur pour la loi, faisant la guerre sainte », prĂ©lude aux combats de MĂ©dĂ©a. La ville avait Ă©tĂ© soumise Ă  l’autoritĂ© d’Abd el-Kader qui y fit tous les prĂ©paratifs d’une attaque gĂ©nĂ©rale, dirigĂ©e par lui, en novembre 1839, contre les Ă©tablissements français de la plaine de la Mitidja. Conscient de la disproportion entre ses troupes et celles des Français, l’émir propose un règlement militaire fondĂ© sur un sens de l’honneur chevaleresque digne de Saladin Ă  l’Ă©poque des croisades.

ProtĂ©gĂ© par Dieu, Abd el-Kader ne craint pas les Français car « je suis celui qu’il a posĂ© pour ĂŞtre le terme dernier de votre anĂ©antissement, vous, dĂ©signĂ©s pour ĂŞtre exterminĂ©s », bien que ses troupes ne soient que le tiers ou mĂŞme le quart des leurs, moins bien ordonnĂ©es, et très infĂ©rieures dans l’art de la guerre. Devant l’inĂ©galitĂ© des forces en prĂ©sence, il fait quatre propositions :

1° il demande que les Français lui vendent du matĂ©riel de guerre « suivant ce que me permettront mes moyens ; j’armerai des soldats jusqu’à un nombre moitiĂ© du vĂ´tre et alors nous en viendrons au combat Â», ou bien il propose un accord de non-agression pour une durĂ©e de 10 ans, « mon règne accomplira ainsi vingt annĂ©es et chaque annĂ©e de mon gouvernement correspondra Ă  cent annĂ©es du vĂ´tre, ensuite nous combattrons Â» ; ainsi, les Français auront affrontĂ© un homme fort, et en tireront honneur quelle que soit l’issue du combat, « mais maintenant si Dieu me donnait la victoire et si je l’emportais sur vous, ce vous serait une honte auprès des rois musulmans et chrĂ©tiens, tandisque si vous me vainquiez il n’y aurait nulle gloire pour vous, car vous auriez vaincu un homme qui n’en est qu’à la huitième annĂ©e de son gouvernement. Â»

2° il propose de combattre Ă  un contre deux, « et je vous jure que je n’ajouterai pas un seul soldat Â».

3° ou bien un combat singulier entre le maréchal Valée et un de ses lieutenants.

4° enfin un combat singulier entre lui et Henri d’OrlĂ©ans, duc d’Aumale « Si vous voulez envoyer pour le combat singulier votre chef le fils du Roi [des Français, Louis-Philippe], moi l’esclave de Dieu, je me prĂ©senterai contre lui. Si je sors vainqueur du combat, vous retournerez avec vos troupes dans votre pays ; vous abandonnerez toutes les villes qui sont [dans] l’Etat ; vous ne vous en irez que de vos personnes, n’emportant que ce que vous avez individuellement achetĂ©, – si je suis vaincu, ce sera fini de moi et il vous restera l’outann. Â»

Abd el-Kader défie le duc d'Aumale en combat singulier

Il se dĂ©fie de la parole des Français. « Si vous acceptez une de ces propositions, il faut que vous convoquiez les grands des nations et que ceux-ci viennent se porter garans pour vous, quant Ă  moi je ne manquerai pas Ă  ma parole, je ne fausserai pas ma promesse. Â»

L’émir invoque enfin la protection de Dieu. « Si vous me regardez comme trop faible, moi je suis fort par Dieu. Dieu est notre maitre Ă  tous ; c’est lui qui dispense la victoire […] qui, dans son amour nous a montrĂ© les traces de notre seigneur Mohammed […] tandis que vous autres vous ĂŞtes les serviteurs de notre seigneur JĂ©sus […] qui avez divisĂ© dieu en trois tiers et qui prĂ©tendez que Dieu est l’ensemble de ces trois, car vous parlez ainsi, (je vous jure) que vous ne ferez jamais un mèlk (une propriĂ©tĂ©) de cet outann, que vous ne vous  y Ă©tablirez pas, que vous n’y stationnerez pas paisiblement et que si quelqu’un des vĂ´tres survit, je le laisserai sur un trĂ´ne Ă  Alger et que l’Islam passera sous le commandement de ce survivant. Â»

Ă€ partir du 27 avril 1840, l’armĂ©e française livrera plusieurs combats contre la cavalerie arabe, ravagera les Ă©tablissements des Hadjouths, dĂ©truisant leurs moissons et dĂ©bloquera Cherchell qui Ă©tait assailli par les Kabyles.

Le 12 mai 1840, la 1re division commandĂ©e par le duc d’Aumale et formĂ©e en 3 colonnes commandĂ©es la 1re par le gĂ©nĂ©ral Duvivier, la 2e par le colonel de Lamoricière et la 3e par le gĂ©nĂ©ral d’Houdetot franchira le col de MouzaĂŻa, après avoir emportĂ© toutes les redoutes des ennemis. Duvivier avait enlevĂ©, Ă  la tĂŞte de sa brigade, la position la plus difficile, le passage du TĂ©niah. ChargĂ© d’occuper MĂ©dĂ©a, il avait engagĂ© 900 Français contre 5 000 Arabes, commandĂ©s par l’Émir et tuĂ© 500 de ces derniers. MĂ©dĂ©a sera finalement reprise le 17 mai.

Sceau d'Abd el-Kader

Quelques rousseurs. Exceptionnel document.

4 000 €