Campagne législative houleuse à Belfort en 1902. Jules Lemaitre vient soutenir Armand Viellard-Migeon : entre antisémitisme et xénophobie.

Lemaitre Belfort

 

Jules Lemaitre (1853-1914), écrivain, académicien, figure du nationalisme. Notes – Impression de Belfort. [Sans lieu, 1902]. Manuscrit autographe signé, avec ratures et corrections. 3 pp. in-8° sur 3 ff. recto seul.

Lemaitre Belfort

Brouillon de l’article que Jules Lemaître, en tournée électorale à Belfort lors des élections législatives, en soutien au député nationaliste sortant Armand Viellard, fera paraitre dans le journal patriotique l’Echo de Paris. Lemaitre et Godefroy Caraignac, chefs de la Ligue de la Patrie française, avaient entamé depuis novembre 1901 une campagne de propagande dans toutes les grandes villes de France, pour soutenir les candidats nationalistes.

Lemaitre Belfort

Violent texte contre les habitants et la ville de Belfort, à relent antisémite et xénophobe.

Lemaitre Belfort

« Un rocher rougeâtre, d’une ligne rude ; une âpre citadelle se découpant sur un ciel gris ; plaqué contre le roc, le lion tropique de Belfort… Au bas de ce noble et sévère décor, une ignoble populace, hurlant, sifflant, poussant des cris stupides ou obscènes… Voilà ce que nous avons vu et entendu, pendant l’heure qui a précédé notre départ de l’hôtel pour la conférence, puis pendant les deux heures qui ont suivi notre retour à l’hôtel. […] Nous savons d’ailleurs par quels dévoués amis du ministère toute cette injurieuse vermine avait été soudoyée. Pauvre Belfort – dont le nom signifie pourtant de si grandes choses ! […] La vieille population belfortaine est excellente ; c’est la meilleure pâte d’Alsaciens. Mais la ville, en 1870, avait 6 000 habitants ; elle en a aujourd’hui 30 000. La population nouvelle se compose, pour une trop grande part, de déchets humains venus de l’Alsace annexée, de l’Allemagne ou de la Suisse, bref, de la lie de trois frontières. Et 170 Juifs sont inscrits sur les listes électorales. Ainsi ce promontoire de la défense française baigne dans une écume d’individus à patrie indécise. Nous avons bien fait d’y aller. La liberté de conscience, la liberté d’association, la liberté d’enseignement ont été rayées du code. [Il ne reste que la liberté de parole et de réunion. En fait, le ministère fait tout ce qu’il peut pour l’entraver. Mais, tout au moins, elle demeure inscrite dans la loi. Nous avons montré, à Belfort, qu’on peut encore user de cette liberté là, à condition de la défendre soi-même. Nous avons fait à pied quatre Kilomètres, aller et retour, sans autre inconvénient que le petit ennui d’entendre ici ou là quelques sifflets imbéciles que nous couvrions aussitôt du chant de la Marseillaise. Cette longue promenade a été possible, et même facile, grâce à la décision calme des vieux belfortains. Ils ont protégé, dans ma personne, une liberté. Nous leur avons apporté une occasion de se serrer les coudes, de se rallier tous pour la bonne cause. Echange de fraternels services.

Suit l’exposé d’idées générales politiques concernant son parti de droite, ses électeurs, le soutien qu’ils lui témoignent ainsi qu’à Godefroy Caraignac et au général Mercier. « C’est que la plupart de nos amis sont des hommes qui n’ont encore jamais fait de politique. A cause de cela ils ont de la simplicité et de la candeur. […] Ils ont le bon sens. Et, je crois, de plus en plus, qu’ils sont le nombre. » 

Document d’une rare violence en terre Comtoise, témoin de la montée d’une droite xénophobe et antisémite dans une France déchirée par l’affaire Dreyfus.

Lemaitre Belfort

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