Jean-Michel Folon (1934-2005). Projet de film, pour célébrer les 20 ans de SONY. minimum 30 secondes ou 1 minute. Sans lieu, Février 1973. Storyboard composé de 27 aquarelles rehaussés au crayon de couleurs et au pastel (3 aquarelles contrecollées) ; dimension des aquarelles : 5 x 6 cm environs, sur 9 ff. non paginés et 1 dessin aux crayons de couleurs et à l’encre noire, avec essai de couleurs au verso, sur un feuillet découpé [idée écartée], le tout légendé à l’encre par l’artiste ; avec une belle aquarelle figurant une plage et un palmier (11,5 x 20 cm) en fin de carnet, nombreuses pages vierges. Carnet oblong à la Bradel en toile écrue muette (13,5 x 22,2 cm) (Sennelier, fabricant depuis 1887).
Les aquarelles sont d’une rare fraicheur, en harmonie avec le texte empreint d’une grande poésie : « Le film commence par un ciel bleu immense // L’image recule, et laisse apparaître un homme bleu [(qui pourrait être remplacé par un enfant) en note, biffé], qui regarde le ciel, et nous tourne le dos. L’image // recule encore, laisse apparaître le corps du // personnage bleu, et sa main tient une baguette de chef // d’orchestre. Il indique l’horizon et le soleil semble l’écouter. Le soleil se lève, et commence // à monter dans le ciel, l’image recule toujours très lentement, et reculera jusqu’à la fin du film, dans un mouvement lent arrière. Le soleil // se cache derrière un nuage, et le chef indique l’entrée d’un oiseau rouge, suivi d’oiseaux de toutes les couleurs de la création, // qui forment une arabesque immense, et disparaissent // au moment où le chef indique un geste à la mer, un dauphin // bleu, un dauphin vert, un rouge, dessinent eux aussi une arabesque aux 7 couleurs // de l’arc-en-ciel, le dernier // dauphin vert disparaît, et le chef laisse venir un // arc-en-ciel, qui va aussi // envahir l’image, former // un demi-cercle, et traverser // l’écran, pendant que le chef, qui continue à créer toutes sortes de surprises venues de la mer, et du ciel, indique d’entrer, à une planète verte // puis une planète rouge, pendant que les vertes vont continuer d’apparaître, au fond de l’espace, comme autant de bulles mystérieuses. Des planêtes // bleues apparaissent à l’horizon, // suivies de planêtes jaunes. L’image a continué de reculer, au point de laisser apparaître la rondeur de la terre. L’homme bleu, devenu lointain, // ne sera plus qu’un point à l’horizon, comme un créateur mystérieux, venu on ne sait d’où [peut-être un rêve d’enfant devenu grand, et les planêtes biffé] // et des planêtes colorées apparaissent et disparaissent autour de nous, la terre s’éloigne, et restera seule // au milieu de l’écran, non un peu à gauche, pendant qu’apparaissent lentement des lettres, qui formeront le mot SONY, avec notre terre comme lettre O, // la terre continue de s’éloigner, et le mot // SONY s’éloigne // dans l’espace, bleu comme l’infini. »
Sur le feuillet écarté, le dessin représentant un enfant les bras levés devant l’horizon, dirigeant un vol d’oiseaux, est légendé : « Un enfant pourrait diriger la création, plutôt qu’un homme bleu, sans baguette de chef d’orchestre. » A noter qu’une esquisse de l’enfant est biffée.
Le nom de Sony avait apparu dès 1955, et parmi ses innovations importantes à cette époque, est à noter la cassette vidéo couleur en 1971, d’où probablement l’accent mis sur les couleurs par l’artiste (homme bleu, oiseaux, dauphins, planètes multicolores, arc-en-ciel et espace bleu comme l’infini). Le projet de Folon pour Sony n’a pas abouti, mais l’artiste s’en est fortement inspiré pour le si poétique habillage d’Antenne 2 en 1975, notamment les génériques d’ouverture et de fermeture d’antenne qui restent dans toutes les mémoires de cette génération : l’homme bleu (qui se met à voler comme un oiseau), les planètes, la terre qui s’éloigne dans l’espace bleu comme l’infini…
Notre poétique storyboard donne en outre de précieux renseignements sur le processus créatif de l’artiste. Folon avait une prédilection pour l’aquarelle : « Je préfère peut-être les aquarelles aux peintures, si j’y pense, confie-t-il lors d’une interview, parce que justement cette sensation de la vie dans l’instant est une chose unique […] et je crois que quand on fait une aquarelle c’est l’envie qu’elle ne sèche jamais parce que l’aquarelle c’est beaucoup plus que la représentation de la vie, c’est la vie. » https://youtu.be/09XLZj_Nvd4
Document exceptionnel.
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