Le Brigant. Le celte est la langue-mère. A l’origine de la linguistique comparĂ©e. Exemplaire exceptionnel enrichi de manuscrits de l’auteur.

Le Brigant. 1787.

Jacques Le Brigant. Observations fondamentales sur les langues anciennes et modernes ; ou Prospectus de l’Ouvrage intitulĂ© : La Langue primitive conservĂ©e. Paris, Barrois l’aĂ®nĂ©, 1787. In-4° de [2] pp. d’avertissement et d’errata, 111 pp., [1] p. d’approbation. Ornement typographique Ă  la p. de t. [ReliĂ© Ă  la suite :] Pierre Crouzet. Ode sur les victoires de NapolĂ©on le Grand. Paris, Eberhart, 1806. In-4° de 8 pp. Page de titre en grec, traduction en grec par Fleury de LĂ©cluse, avec  le texte français en regard. Demi-basane fauve de l’époque, dos lisse ornĂ© aux petits fers, filets et roulettes dorĂ©s, pièce de titre en maroquin noir.

 

Observations fondamentales sur les langues anciennes et modernes… 

1ère et seule Ă©dition, dans laquelle Jacques Le Brigant (1720-1804), imagine que le celte est la langue-mère de tous les idiomes et prĂ©tend pouvoir comprendre de nombreuses langues. Sa devise, valant programme, Ă©tait : « Celtica negatur, negatur orbis » (« Qui nie la Celtie, nie l’Univers »). On l’affubla du surnom de « Prince des Celtomanes ». Il fonda, avec Jacques Cambry, l’AcadĂ©mie celtique le 30 mars 1804. (Brunet, VI, 638, n° 10528).

Dans cet essai prĂ©sentĂ© comme « prospectus » d’un grand traitĂ© qui ne parut jamais, l’auteur livre l’essentiel des recherches qui occupèrent une partie de sa vie et qui le poussèrent Ă  abandonner ses fonctions d’avocat au Parlement de Bretagne : dĂ©montrer que le celte est la langue originelle, matrice de toutes les autres, et rechercher ses dĂ©rivĂ©s dans les langues anciennes, les langues orientales, en particulier le chinois et le sanscrit, le « caraĂŻbe » ou le tahitien. Des tableaux comparatifs, un essai sur la traduction et des analyses critiques des dictionnaires celtiques en font l’un des premiers essais de linguistique comparĂ©e. Un autre membre du Parlement de Bretagne, l’Ă©conomiste physiocrate Louis-Paul Abeille participa Ă  la rĂ©daction de cet ouvrage.

Exemplaire enrichi de 9 documents autographes et de 2 copies de lettres à lui adressées, 1780-1782.

Touchant tĂ©moignage des difficultĂ©s que Le Brigant rencontrait pour diffuser ses idĂ©es de linguistique comparĂ©e. EncouragĂ© par l’accueil favorable de ses ElĂ©ments succincts de la langue des Celtes-GomĂ©rites ou Bretons, notamment de SĂ©guier, l’un des plus Ă©minents savants de son Ă©poque, Le Brigant, dĂ©laissant sa charge d’avocat, et père d’une nombreuse famille, cherche dĂ©sespĂ©rĂ©ment un mĂ©cène, sinon le soutien du roi, pour poursuivre ses travaux. Il en donne ici une prĂ©sentation et quelques extraits qui prĂ©figurent la publication en 1787 du prospectus intitulĂ© Observations fondamentales sur les langues anciennes et modernes. Pièces reliĂ©es en dĂ©sordre.

 

  • Arbre gĂ©nĂ©alogique autographe de Jacques Le Brigant. 3 pp. in-folio.

Le Brigant. Généalogie.

« Si la descendance d’une race gĂ©nĂ©reuse, et antique pouvait servir de recommandation, c’en seroit peut-ĂŞtre une pour le jeune homme qui termine celle qui suit Â». Ses ancĂŞtres sont originaires de Galles vers 900 ap. J.C., immigrèrent en Irlande vers 1002, puis, dĂ©pouillĂ©s par le pape Alexandre III, s’installèrent en Bretagne en 1290, oĂą ils demeurèrent jusqu’à Jacques.

  • Copies de 2 lettres adressĂ©es Ă  Le Brigant pour sa parution des ElĂ©ments succincts de la langue des Celtes-GomĂ©rites ou Bretons : introduction Ă  cette langue, et, par elle, Ă  celle de tous les peuples connus. 1779, Strasbourg, chez Lorenz et Schouler.

Copie d’une lettre de M. SĂ©guier de NĂ®mes, le 17 juillet 1780. 2 pp. in-8°. A moitiĂ© copie autographe de Le Brigant. Le botaniste et Ă©pigraphiste nĂ®mois Jean-François SĂ©guier (1703-1784) fĂ©licite Le Brigant pour ses travaux sur la langue celte, applaudit Ă  ses lumières, partage ses conclusions et recevrait « volontiers la feuille d’addition oĂą sont dĂ©montrĂ©s en tant de langues qu’elles se rapportent toutes» au breton. Le Brigant a ajoutĂ© en fin Â« c’est celui dont […] Mr. De la Condamine disait : respectons le bon homme car il en sait plus que nous tous Â».

Copie manuscrite d’une lettre de Mr. Le Chevalier de la Coudraye, ancien officier de vaisseau, et de l’AcadĂ©mie de la Marine, Sables d’Olonne, 13 novembre 1780. Lettre très Ă©logieuse dans laquelle le Chevalier regrette cependant que la comparaison du breton avec 15 langues ne soit pas imprimĂ©e dans son ouvrage [voir la DĂ©monstration des plus singulières…].

  • Lettre autographe signĂ©e, Le Treguier en Bretagne, 2 novembre 1781, Ă  Monseigneur [Le Gonidec de Treissan seigneur du château de la Roche Jagu]. 2 pp. in-folio.

Le Brigant souhaite la protection de ce seigneur bien en cour afin de proposer au roi l’objet de ses recherches. A cet effet, il lui adresse « deux petits morceaux qui peuvent servir d’échantillons Â» [probablement les pièces suivantes].

  • DĂ©monstration des plus singulières : que toutes les langues de la terre ne sont que la Celte gomĂ©rite, oĂą bretone alterĂ©e dans l’arrangement des mots, oĂą dans leur prononciation. Aux Sâvans de toute nation. Unusquisque secundum linguam suam gen. Pièce autographe signĂ©e. Le Treguier en Bretagne, 2 novembre 1781. 9 pp. in-8°.

Le Brigant. Linguistique.

L’auteur compare au breton le 6ème verset du Psaume 138 « Votre science est devenue admirable de moi ; Elle s’est Ă©levĂ©e et je ne pourrai y atteindre Â» en latin, français, italien, espagnol, catalan, basque, finlandais, suĂ©dois, allemand, hollandais, flamand, anglais, gallois, galibi, tahitien, chinois, mandchou, hĂ©breux, chaldĂ©en, syriaque, arabe, grec et breton pur [sic]. Il en conclut que les mots de ces textes sont les mĂŞmes que ceux du breton, qui est, en consĂ©quence, « la source de laquelle toutes les langues sont venues, et la matière première, ou les Ă©lĂ©ments qui ont servi leur formation Â». [voir les ElĂ©ments succincts de la langue des Celtes-GomĂ©rites ou Bretons]. Devant une telle Ă©vidence, Le Brigant regrette, dans une Europe pourtant avide « de choses rares Â», les Colbert, Catherine de Russie, Isabelle de Castille ou Anne de Bretagne, « capables de discerner le prix de la dĂ©couverte et de se rendre Ă  jamais mĂ©morable en la secondant  ».

Le Brigant. Linguistique. Celte langue-mère.

  • De la Langue primitive. Pièce autographe. 4 pp. in 8°.

En exposant des aptonymes, l’auteur donne « la signification exacte de ces noms interprĂ©tĂ©s Ă  la lettre, sans Ă©quivoque, ni changement Â» tel Georges Washington [qui venait d’écraser les anglais Ă  la bataille de Yorktown, le 17 octobre]

Le Brigant. Linguistique. Washington.

(« Wasington, Voaxéén kĂ© tou en, c’était lui qui Ă©tait notre protecteur, notre brave dĂ©fenseur dans notre enceinte, notre patrie, notre rĂ©publique naissante, tu Ă©tais notre seul espoir Â») ou Benjamin Franklin [qui venait de faire reconnaitre par la France la nouvelle rĂ©publique amĂ©ricaine] (« Franklin, Ă  la lettre fĂ©rankĂ©lein, celui qui divise, sĂ©pare la partie supĂ©rieure de l’état, la souverainetĂ©, qui soustrait une partie de la nation Ă  une domination devenue insupportable »).

  • Pièce autographe signĂ©e. Le Treguier en Bretagne, 9 dĂ©cembre 1781. 3 pp. in-folio.

Le Brigant prĂ©tend tenir de sources très anciennes et d’origine indienne des connaissances  de la dernière importance, « surtout pour ceux qui sont appelĂ©s pour ĂŞtre les instituteurs des princes, ou chefs des nations. Pour faciliter cette institution en oter les Ă©pines, les dĂ©gouts, les longueurs, la perfectionner et la rendre plus solide Â», il propose « la connaissance parfaite des mots Â» et «  l’intelligence d’une langue simple, briève et parfaite, la clef gĂ©nĂ©rale de toutes les autres qui n’en sont que des branches, ou des lambeaux dĂ©tachĂ©s : la mĂŞme que celle que les parisiens parlaient il y a deux mille ans et qu’ils parlent encore un peu altĂ©rĂ©e, sans qu’ils s’en doutent ni qu’ils la reconnaissent Â». Le Brigant offre « d’en montrer plus dans huit heures sur le fond des langues, leur essence, leur origine, leur mĂ©canique, leur formation, leur rapport, qu’on en a montrĂ© depuis Platon jusques Ă  Voltaire et depuis Aristote jusqu’au dernier instituteur des princes français Â» ; il est si sĂ»r de lui qu’il ne craint aucun contradicteur. En note, Le Brigant se plaint de Necker : « Mr Necker avoit promis d’informer le souverain d’une dĂ©couverte aussi belle qu’intĂ©ressante ; mais il est rare que l’étranger accorde aux enfans de la maison une protection efficace ou durable. »

Le Brigant, linguiste, souhaite présenter un ouvrage à Louis XVI.

  • Lettre autographe signĂ©e, Le Treguier en Bretagne, 30 dĂ©cembre 1781, Ă  Monseigneur [Le Gonidec de Treissan seigneur du château de la Roche Jagu]. 2 pp. in-folio.

Le Brigant sollicite auprès de son protecteur la faveur de prĂ©senter au roi son ouvrage de linguistique, prĂ©cieux outil pĂ©dagogique, selon lui : « en dĂ©couvrant tout d’un coup une source qu’on n’avait pas encore connue, sa MajestĂ© dans un instant indiquerait les moiens infaillibles et surs de faciliter, et de perfectionner l’instruction en abrĂ©geant, et en rectifiant les travaux des instituteurs. […] ce que l’abbĂ© de Condillac n’a pu montrer au duc de Parme ; ce que Mr d’Alembert n’eut pu apprendre Ă  l’hĂ©ritier du Throne de Russie, ce qui Ă©chappa Ă  Voltaire, qui en contesta l’existence ; et ce dont Rousseau de Genève n’eut qu’une faible idĂ©e. Enfin ce qu’aucun autre n’a pu manifester encore depuis Platon, jusqu’aux savants de nos jours. » Il conclut en prĂ©sentant ses vĹ“ux pour la nouvelle annĂ©e.

  • Annonce d’un objet singulier et tout Ă  fait digne de l’attention du plus sage des rois. Pièce autographe signĂ©e. Le Treguier en Bretagne, 30 dĂ©cembre 1781. 4 pp. in-folio.

Le Brigant. Linguistique. Autographe.

Le Brigant prĂ©sente sa dĂ©couverte. Il prĂ©tend en premier lieu que le roi de France règne sur la nation la plus ancienne de la terre, la Bretagne, que le breton « est la source et la clef du langage de toutes les nations connues Â», et que c’est enfin « l’instrument qui peut seul donner l’entrĂ©e aux connaissances humaines Â». L’auteur avance que toutes les langues actuelles proviennent du breton, propose le moyen de toutes les parler, de les comprendre, « et de n’être absolument Ă©tranger chĂ©s aucun peuple oĂą l’on pourrait aborder Â», et enfin, ce qui est unique, de donner « les Ă©lĂ©ments et les principes certains de la langue universelle, les institutions de cette langue conjointement, et par comparaison avec toutes les autres langues connues Â». Il offre d’en faire la dĂ©monstration « en huit heures, si l’on veut lui en faciliter les moiens Â». Il sollicite l’aide de sa MajestĂ© car « père de 22 enfans, la nature l’aiant traitĂ© en mère tendre, la fortune en maratre, il n’a pu malgrĂ© son goĂ»t pour le travail et une application non interrompĂĽe maintenir l’équilibre de ses besoins et de ses facultĂ©s Â». Il souligne que l’objet de sa dĂ©couverte concourt avec la naissance du dauphin [Louis Joseph Xavier François de France, nĂ© le 22 octobre, fils aĂ®nĂ© de Louis XVI], et qu’elle aiderait « Ă  former un prince accompli Â» qui ne risquerait pas ainsi « d’être vu d’un Ĺ“il indiffĂ©rent Â».

  • Lettre autographe signĂ©e, Le Treguier en Bretagne, 10 mars 1782, Ă  Monseigneur [Le Gonidec de Treissan seigneur du château de la Roche Jagu]. 2 pp. in-4°.

Le Brigant sollicite un soutien

Le Brigant, dĂ©sespère de son projet [sur la linguistique comparĂ©e] et s’adresse Ă  son protecteur, grand seigneur breton, qui l’avait soutenu : « votre nom respectable avait soutenu mon espoir ; en effet, il me disait dans cette langue Ă©tonante [le celte], qui dĂ©couvrirait aux hommes une source inĂ©puisable de vĂ©ritĂ©, et de lumière, dont ils ont Ă  peine l’idĂ©e, castĂ©riĂ©s, c’est vous qui allĂ©s me pousser, me conduire, ĂŞtre mon protecteur ; et jamais prĂ©diction ne fut plus littĂ©rale et plus claire, ni plus propre Ă  un encouragement pour un projet si avantageux pour les hommes [,] soit en paix ou en guerre, sur la terre oĂą sur l’eau. Â» Le Brigant joint un carton sur les aptonymes [celtes ?], « noms dont la signification en cette langue Ă©tonante dĂ©signe les Ă©vènements opĂ©rĂ©s par ceux qui portent ces diffĂ©rents noms », et un autre sur le projet d’ Â« un port  dans notre voisinage, dont le projet fut prĂ©t d’être exĂ©cutĂ© sous le règne de notre dĂ©funt roi Â». [voir pièce suivante].

  • Pièce autographe signĂ©e, jointe Ă  la lettre prĂ©cĂ©dente. 4 pp. in-4°. Projet intĂ©ressant de construction d’« un port pour les vaisseaux du second rang dans l’embouchure de la rivière du Trieu, nommĂ© la rade de l’isle Ă  Bois, autrefois celle des fresnaies Â».

Le Brigant. Projet de construction d'un port. Autographe.

Le Brigant prĂ©sente ses arguments : l’état prĂ©caire des hollandais, la protection des bateaux marchands contre les pirates anglais, une place sĂ»re pour la construction navale, et qui Ă©viterait aux navires venant de l’Inde la pointe de Bretagne et le pillage des anglais, et serait un abri pour les hollandais. Il propose de fortifier les montagnes qui bordent la rade, et prĂ©cise que les vallĂ©es sont des emplacements commodes, comme en ont tĂ©moignĂ© le comte d’HĂ©rouville et M. de PuysĂ©gur qui ont dit que « c’était le plus beau frein que l’on pouvait mettre Ă  la rapacitĂ© des anglais, et qu’ils n’avaient aucun droit […] d’empĂŞcher le maitre de la maison de faire pour le bien de ses sujets tel embellissement qu’il voudrait. Â» [Le Gonidec de Tressan avait acquis Le Château de la Roche Jagu en 1773 place forte Ă©levĂ©e qui protĂ©geait de tout temps l’embouchure du Trieux]. En conclusion, il se propose d’offrir « mille moiens de diminuer les frais de l’éxecution Â». Le projet d’amĂ©nagement du port resta lettre morte.

Le Brigant convaincu.

Ode sur les victoires de Napoléon le Grand.

1ère traduction grecque de cet ouvrage paru initialement chez Didot en 1805. Fleury de Lécluse, helléniste distingué, est également l’auteur d’une dissertation sur la langue basque et de divers ouvrages de linguistique.

Ex-libris manuscrit de Charles « Lecarpentier, juin 1810 Â» ; Charles Le Carpentier (Pont-Audemer, 1744-Rouen, 1822), peintre et historien de l’art, professeur Ă  l’Ecole des Beaux-arts de Rouen, membre de la SociĂ©tĂ© d’Émulation de Rouen depuis ses dĂ©buts, s’intĂ©ressait bien naturellement aux origines celtiques de sa ville, et il n’est donc pas surprenant de trouver dans sa bibliothèque l’ouvrage de Le Brigant, truffĂ© de manuscrits de l’auteur. 

Reliure frottĂ©e,  intĂ©rieur très frais. Exceptionnel et unique ensemble. 

3 000 €