Gustave Doré (1832-1883). [Nous célébrâmes cette journée mémorable le plus gaiement du monde.] Bois gravé original d’une des 31 illustrations pleine page des Aventures du baron de Münchhausen. Traduction nouvelle par Théophile Gautier fils, illustrées par Gustave Doré. Paris, Charles Furne, [1862], p. 167. Dimensions du bois : 20 x 14,5 cm. « E. T. » gravé sur la tranche maculée d’encre.
Les bois gravés de Gustave Doré sont de toute rareté, d’autant plus dans ce grand format.
Au verso, est contrecollée la gravure correspondante afin de permettre aux imprimeurs de se repérer. Münchhausen, sorte de Tartarin allemand, fête avec le général Elliot son dernier acte de bravoure ; il vient de délivrer deux officiers anglais en lançant une bombe au milieu des ennemis avec une fronde, celle-là même dont se servit David contre Goliath ! La verve comique et satirique de l’artiste, « drôlatiquement caricaturale », s’exprime férocement dans cette beuverie d’officiers anglais : le général est totalement ivre, l’un de ses officiers vomit au second plan pendant que deux autres, montés sur une table ou sur leurs sièges, trinquent au-dessus d’une pyramide de toasts, le tout sur fond de chaises renversées et de verres brisées, à la grande frayeur des chats de la maison.
Lorsqu’il réalise ce bois, vers 1862, l’artiste est au sommet de son art. Il illustre les Contes de Perrault, entre la Divine Comédie publiée l’an passé, et Don Quichotte l’année suivante. Dans la préface des Aventures du baron de Münchhausen, Théophile Gautier loue l’illustration de Gustave Doré : « personne mieux que cet artiste, qui semble avoir cet œil visionnaire dont parle Victor Hugo dans sa pièce à Albert Dürer, ne sait faire vivre d’une vie mystérieuse et profonde les chimères, les rêves, les cauchemars, les formes insaisissables noyées de lumière et d’ombre; les silhouettes drôlatiquement caricaturales, et tous les monstres de la fantaisie […] On dirait que, peintre de l’expédition, il a croqué d’après nature tout ce que décrit le facétieux baron allemand, et le texte en acquiert une valeur de bouffonnerie froide plus germanique encore. » Il est bien, selon la belle expression de Jean Adhémar, « le roi des illustrateurs (du) Romantisme Second Empire ».
La gravure de ce bois fut confiée au burin talentueux de François Pannemaker (Bruxelles, 1822 – Paris, 1900), l’un des principaux graveurs de Gustave Doré, mais aussi des illustrations des romans d’Erckmann-Chatrian, et des Voyages extraordinaires de Jules Verne chez Hetzel. En outre, il gravera en 1863 quelques billets français comme le 100 francs bleu, puis en 1869, le billet de vingt francs belges. Professeur de gravure sur bois à l’École impériale de dessin (la future École nationale supérieure des arts décoratifs), il exposa en 1855 et fit partie du jury dans la section gravure sur bois de la première Exposition internationale de blanc et noir à Paris au pavillon de Flore. En 1889, il fut récompensé d’un grand prix à l’Exposition universelle à Paris.
H. Leblanc, Catalogue de l’œuvre complet de Gustave Doré, Paris, Bosse, 1931, pp. 37-38 ; G. Vicaire, Manuel de l’Amateur de Livres du XIXe siècle, I, 160 ; E. Benezit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, éd. 1976, III, 640-642 [pour Doré, œuvre citée], et VIII, 107 [pour Pannemaker].
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