Jean de Bry (1760-1834), conventionnel, membre du conseil des Cinq-cents. Lettre autographe signée « J. Debry », Besançon, le 12 thermidor an 9 [31 juillet 1801], à « mon cher J[oseph] Bonaparte ». 2 pp. in-4°.
Belle lettre de réclamation du tout nouveau préfet du Doubs à son ami, frère aîné du 1er Consul et futur roi d’Espagne, quant à l’insuffisance de son traitement, notamment concernant ses frais de représentation. Témoignage intéressant sur les maigres financements dont disposait le préfet du Doubs et le coût de la vie élevé à Besançon durant le Consulat.
Jean de Bry remercie Joseph Bonaparte pour l’avoir engagé à accepter la préfecture du Doubs, « je m’y trouve jusqu’à présent dans un rapport si juste et si parfait avec le pays, les habitants et la pluspart des membres des autorités constituées que ni ma famille ni moi ne voudrions le quitter pour quelque pays que ce soit, Paris excepté ». Il se plaint cependant de « la médiocrité de mon traitement », et rappelle la promesse qu’on lui avait faite de le porter de « douze à seize » louis ; quant aux cent louis de train d’établissement qu’on lui avait attribués, « avant un mois, j’en aurai dépensé 500 pour ce qui est ici strictement nécessaire : le pain vaut ici 5s ½ la livre et les autres denrées à proportion ».
N’étant pas riche, homme honnête, il ne veut agir comme son « prédécesseur qui voyait peu de monde [et qui] y a laissé dix mille francs de dettes, je dépenserai ce que j’ay, mais je ne veux pas faire de dettes ». Il rappelle l’importance de la représentation de l’Etat et les frais qu’elle induit : « et cependant il faut représenter, cette ville a une garnison, beaucoup d’officiers, d’anciens nobles et parlementaires très fortunés, faisant de la dépense ; le premier Magistrat offre un aspect ridicule si sa maison est par trop inférieure à celle des autres ».
Il se voit prêt à écrire au 1er Consul « que sa bonne volonté, son attachement même me sont inutiles, et que sur le point d’en recueillir le fruit qu’il m’a promis, il faut que j’y renonce et que je me retire » [Jean De Bry avait participé au coup d’état du 18 brumaire]. Il insiste ensuite sur le bien-fondé de ses réclamations, « nulle part elles ne sont fondées comme à Besançon »;
il prend à témoin Thibaudeau qui est venu ici et qui connait l’administration [Antoine Claire Thibaudeau (1765-1854), président de la Convention nationale puis du Conseil des Cinq-Cents, était alors préfet de la Gironde] ; Jean de Bry assure Joseph Bonaparte que son amitié dévouée est bien antérieure aux services qu’il lui demande, et qu’il y a urgence : « il y a une fête à célébrer dans deux mois, je doute qu’on trouve cent pistoles pour la faire » ; il insiste encore sur son désintéressement : « je ne demande rien pour moi, je ne veux pas mettre un sou dans ma poche, mais lorsqu’une occasion l’exige, je puisse montrer l’homme du gouvernement tel qu’il doit paroitre ; donner des secours réels, et non toujours des paroles, etc. ».
Joseph Bonaparte avait insisté pour que Jean de Bry accepte ce qui fut considéré, au moins à Besançon, comme une disgrâce : « Le consul, lui écrit-il le 17 mai 1801, espère beaucoup de votre présence dans ce pays-là ; de mon côté, je ne perdrai pas une occasion, s’il s’en présente, de vous rapprocher de la Belgique, et ce qui vaudrait mieux, de Paris. » Jean de Bry restera préfet du Doubs jusqu’en 1814. La « fête à célébrer dans deux mois » est la solennité générale qui aura lieu dans toute l’étendue de la République le 18 brumaire [9 novembre] à l’occasion de la signature des préliminaires de paix entre la France et l’Angleterre ; elle sera annoncée par Jean de Bry dans son Adresse à ses concitoyens faite à l’Hôtel de ville de Besançon le 16 vendémiaire an X [8 octobre 1801] et imprimée à Besançon chez Daclin.
Léonce Pingaud : Jean de Bry et Joseph Bonaparte, dans la Revue d’histoire diplomatique, Paris, Ernest Leroux, 1887, p. 11.
Quelques rousseurs ; petite bande de papier collé en marge au verso, sans atteinte au texte.
Vendu