Édition originale des Œuvres philosophiques de La Mettrie aux armes de Pie IX

La Mettrie. Œuvres philosophiques aux armes de Pie IX

 

La Mettrie. Œuvres philosophiques aux armes de Pie IX

 

Julien Offray de La Mettrie. Œuvres philosophiques. Londres [i.e. Berlin], Jean Nourse, 1751. In-4° de lvi, 364 pp. Vignette gravée au titre avec « Si prodire vetas, intus vehementior ardet » sur le phylactère. Veau fauve de l’époque, dos à 6 nerfs orné, p. de titre en maroquin fauve, armes dorées sur les plats dans un filet d’encadrement à froid, filet à froid sur les coupes, gardes à la cuve, tranches rouges.

La Mettrie. Œuvres philosophiques aux armes de Pie IX

Rare édition originale de ces Œuvres philosophiques publiée à sa mort, comprenant six « Mémoires pour servir à l’Histoire naturelle de l’homme », les 2e au 6e ayant leur propre faux-titre compris dans la pagination. L’ouvrage fut réédité l’année suivante, puis, augmenté, en 1774 et en 1796.

L’exemplaire s’ouvre sur 56 pages de Discours préliminaire, suivi de 8 pages d’avertissement de l’imprimeur et de la dédicace à Haller, puis suivent L’Homme machine (pp. 9 à 80), le Traité de l’âme (pp. 81 à 208), l’Abrégé des systèmes pour faciliter l’intelligence du Traité de l’âme (pp. 209 à 248), L’Homme plante (pp. 249 à 272), Les Animaux plus que machine (pp. 273 à 326), et enfin le Systême d’Epicure (pp. 327 à 364).

En raison de son athéisme intransigeant, tous les écrits de La Mettrie furent mis à l’Index dès 1770 (Index librorum prohibitorum […] Pii septimi, Rome, 1819, p. 206) et systématiquement interdits en France (Drujon, Catalogue des ouvrages, écrits et dessins de toute nature poursuivis, supprimés ou condamnés depuis le 21 octobre 1814 jusqu’au 31 juillet 1877, p. 289).

Son livre le plus important, L’Homme machine, sorti anonymement en 1748, fut brûlé par les magistrats de Leyde en Hollande. Notre édition des Œuvres philosophiques contient la révision finale de l’Homme machine, dont ont été tirées toutes les éditions ultérieures. Il a été souvent réédité dès 1752.

Les théories de La Mettrie, matérialistes et épicuriennes, furent vivement combattues par Rome. Notre exemplaire est abondamment annoté postérieurement en français, probablement par un étranger, si l’on considère les fautes d’orthographe et de syntaxe.

La Mettrie. Œuvres philosophiques aux armes de Pie IX

De nombreux passages sont marqués dans la marge au crayon rouge d’une croix ou d’une accolade, et parfois suivis de commentaires rédigés au crayon gris, très critiques, tels : « Il faut donc, ô philosophe La Mettrie, rechercher avant toute autre chose la valeur de cette condition [si ma raison ne me trompe pas] ; si vous l’aviez fait vous auriez estimé mieux le grand Descartes et certes l’Homme machine n’aurait pas été écrit ! » (p. 49), ou  « Justement je les cherche ces philosophes qui aient démontré que penser c’est sentir, mais j’avoue que je ne n’en est  trouvé aucun ! » (p. 68) , ou bien «  Voilà bien un ouvrage qui n’explique pas encore que juger est sentir ! » (p. 170), ou encore « C’est bien plutôt pour présenter votre explication qu’il faut être bouché ; car si les composants non [pour n’ont] pas ces propriétés jamais le composé les aurat. – car si un âtome ne pense point comment cent millions penseront-ils ? » (p. 246).

Il est piquant de constater que le pape Pie IX (Giovanni Maria Mastai Ferretti, 1792-1878), a fait apposer ses armes sur l’exemplaire de cet ouvrage sulfureux mis à l’index depuis 1770 !

La Mettrie. Œuvres philosophiques aux armes de Pie IX

Pape de 1846 à 1878, libéral au début de son pontificat, jusqu’en 1848, puis fort conservateur, auteur du Syllabus et de l’encyclique Quanta cura, qui condamnent toute forme de modernisme dans l’Église, Pie IX proclama le dogme de l’Immaculée Conception et convoqua le premier concile œcuménique du Vatican qui définit notamment l’infaillibilité pontificale. Aurait-il fait apposer ses armes sur l’exemplaire au début de son pontificat, et l’aurait-il alors, ou durant ses études, lui-même annoté, s’interrogeant, pour mieux les combattre, sur les théories matérialistes développées par Hegel et reprises par Marx ?

Stoddard, Julien Offray de La Mettrie. A Bibliographical Inventory, 55 ; Tchermerzine, VI, 468 a ; Quérard, La France littéraire, IV, 496 ; DSB, VII, 605-607 ; Garrison-Morton, 586; Haskell Norman 1270.

Petite déchirure au titre sans manque, discrètement restaurée, reliure habilement restaurée.

Bel exemplaire de cette rare édition à la provenance des plus surprenantes.

5 000 €