Louis XIV bouleversé par le décès de sa mère Anne d’Autriche

Louis XIV. Décès de sa mère Anne d'Autriche. 21 janvier 1666. Lettre signée.

 

Louis XIV (1638-1715), roi de France. Lettre signée « Louis » (signature autographe), rédigée par le secrétaire de la main Toussaint Rose, Versailles, 21 janvier 1666, adressée à « ma seur ». 1 p. in-4°, très discret liseré de deuil.

Lettre de condoléances particulièrement émouvante du Roi-Soleil annonçant à une tête couronnée le décès de sa mère, la reine Anne d’Autriche, survenue la veille.

Louis XIV. Décès de sa mère Anne d'Autriche. 21 janvier 1666. Lettre signée.

« Ma seur, vous aprendres par cette lettre la triste nouvelle de la mort de la reyne madame ma mere. Si je n’estois inconsolable de la grandeur de cette perte, je ne doute pas que la part que vous prendres a ma douleur ne me fust un soulagement. Dieu veüille rendre v[ost]re bonheur aussi durable et aussi parfait que mon affliction est extreme et vous avoir au surplus ma seur en sa s[ain]te et digne garde[.] escrit a versailles le 21e de janvier 1666

V[ot]re bon frere

Louis ».

 

« Un fils n’a jamais davantage honoré sa mère pendant toute sa vie », écrit Charles Perrault, dans les Mémoires de sa vie.

Le 20 janvier 1666, Anne d’Autriche meurt au Louvre, à 65 ans, d’un cancer du sein apparu deux ans plus tôt. Ses souffrances sont accrues par l’acharnement des médecins. Bouleversé, Louis XIV, en larmes, perd connaissance. Il écrira dans ses Mémoires : « Cet accident, quoique préparé par un mal de longue durée, ne laissa pas de me toucher si sensiblement qu’il me rendit plusieurs jours incapable de m’entretenir d’aucune autre considération que de la perte que je faisais. 

Louis XIV. Décès de sa mère Anne d'Autriche. 21 janvier 1666. Lettre signée.

[…] La vigueur avec laquelle cette princesse avait soutenu ma couronne dans les temps où je ne pouvais encore agir, m’était une marque de son affection et de sa vertu. Et les respects que je lui rendais de ma part n’étaient point de simples devoirs de bienséance. Cette habitude que j’avais formée à ne faire qu’un même logis et qu’une même table avec elle, cette assiduité avec laquelle je la voyais plusieurs fois chaque jour n’était point une loi que je me fusse imposée par raison d’État, mais une marque du plaisir que je prenais en sa compagnie. Car enfin, l’abandonnement qu’elle avait si pleinement fait de l’autorité souveraine m’avait assez fait connaître que je n’avais rien à craindre de son ambition pour ne me pas obliger à la retenir par des tendresses affectées.

Ne pouvant après ce malheur souffrir la vue du lieu où il m’était arrivé, je quittai Paris à l’heure même, et je me retirai premièrement à Versailles (comme l’endroit où je pourrais être plus en particulier) […].

Les lettres qu’il fallut écrire sur cet accident à tous les princes de l’Europe me coûtèrent plus qu’on ne saurait penser, et particulièrement celles à l’empereur, aux rois d’Espagne et d’Angleterre, que la bienséance et la parenté m’obligeaient de faire de ma main. » [Ajouté en marge du manuscrit :] « Car dans les premiers moments d’une sensible douleur, il est malaisé de se contraindre à l’expliquer aux autres, sans la faire augmenter en nous par le souvenir de quelque nouvelle circonstance. » (Mémoires de Louis XIV, Paris, Didier, 1860, tome I, pp. 119-123).

Le monarque lui rendra un bel hommage en déclarant : « Elle n’était pas seulement une grande reine, elle mérite d’être mise au rang de nos plus grands rois ! »

Louis XIV. Décès de sa mère Anne d'Autriche. 21 janvier 1666. Lettre signée.

 

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