Louis Pergaud (1882-1915). Lettre autographe signée, Landresse, octobre [19]06, à « Mon cher maître » [Edouard Droz ?]. 3 pages bi-feuillet in-12.
Magnifique lettre inédite de Louis Pergaud qui fustige le « crétinisme de quelques compatriotes » du monde des lettres franc-comtoises. L’écrivain Edouard Droz (Besançon, 1855-1923) était alors professeur de littérature française à la Faculté des lettres de Besançon.
Pergaud a transmis les deux poésies de son correspondant à A.M. Gossez, secrétaire général de La Province, ainsi que son vœu de recevoir cette revue. [Alphonse-Marius Gossez (1878-1940), poète et critique, avait fondé en 1900 La Province, Revue mensuelle de décentralisation ; il avait publié des poésies de Pergaud dans Le Beffroi, revue dont il fut également l’un des fondateurs la même année]. L’écrivain a été heureux de constater par sa réponse à ses lettres, « que les maîtres franc-comtois ne gardaient pas à l’égard de certains jeunes la morgue dédaigneuse qu’affectent certaines coteries. Avec les meilleures dispositions possibles et une grande somme d’indulgence, je me suis cru obligé au moins au mépris avec certains compatriotes des “Gaudes” assez stupides pour mêler la politique aux questions d’art et de littérature. [Les Gaudes, journal hebdomadaire, illustré, anecdotique, littéraire, artistique et musical (puis journal franc-comtois littéraire et artistique), 1888-1913, hebdomadaire puis bimensuel, édité à Besançon]. Il importe peu que les autres provinces soient édifiées sur le crétinisme de quelques compatriotes qui sévissent dans des revues de 7e ordre, mais je serais heureux de pouvoir signaler, avec la juste sympathie que j’éprouve à leur objet, vos œuvres à l’attention provinciale. [Droz venait de publier son roman Au Petit-Battant]. J’ai, à défaut des Revues Comtoises, les portes grandes ouvertes dans toutes les revues de province. Je pourrais même, si j’en avais les matériaux, faire pour la Revue des Flandres qui me demande un article, une étude générale de votre œuvre. » [La Revue des Flandres, 1906-1907, n’a publié que 18 numéros].
En 1906, l’auteur connaissait de grandes difficultés d’intégration dans la commune du Haut-Doubs où il enseignait ainsi que dans le monde littéraire franc-comtois, malgré le succès en 1904 de son premier recueil de poésies L’Aube. En effet, en 1905, lors de la séparation des Églises et de l’État, Pergaud avait été muté à Landresse. L’arrivée au village d’un instituteur réputé socialiste et anticlérical suscita des protestations des populations locales ulcérées. Le refus de Pergaud d’assister à la messe et d’enseigner la doctrine catholique eut pour effet d’aggraver les tensions.
Cette époque de sa vie lui inspirera La Guerre des boutons où il évoquera le conflit entre l’Église et le mouvement anticlérical, l’esprit revanchard, l’instruction civique à la Jules Ferry, etc. Les villages qu’il nomme Longeverne et Velrans sont ceux de Landresse et Salans, et lui-même se peindra dans le personnage de La Crique.
2 minimes déchirures sans gravité et sans manque, habilement restaurées.
Manque à la Correspondance, dans Œuvres complètes de Louis Pergaud, Aux éditions du club de l’honnête homme, 1975.
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