Armand Ruhlmann. Correspondance adressée à L. G. Werner et divers documents.

Ruhlmann

 

Ruhlmann. Lettres et documents.

Armand Ruhlmann (Mulhouse, 1896 – Dans une grotte dans la région d’Oujda, au Maroc, 1948), Inspecteur des Antiquités préhistoriques du Maroc et Directeur d’études à l’Institut des Hautes études marocaines. Le Maroc lui doit son musée préhistorique. Correspondance adressée à Léonard Georges Werner (18..-1950), conservateur des Musées et bibliothèques de Mulhouse. Secrétaire puis président de 1924 à 1950 de la Société d’histoire et de Géographie mulhousienne. 10 lettres autographes signées, Rabat, Volubilis et Meknès, 1932-1933. 3 photos, plusieurs croquis et un tapuscrit Fragment d’une lampe chrétienne trouvé à Thamusida. 7 pp. in-4° avec photo et croquis et le brouillon autographe de l’annonce de communication par Werner. Avec une lettre autographe signée de Robert Forrer à Werner et le brouillon de la réponse de celui-ci, 20 et 23 Octobre 1932.                 

Intéressant éclairage sur les activités archéologiques d’Armand Ruhlmann, ses fouilles, ses découvertes, ses travaux, ses écrits, mais aussi ses états d’âme et les rivalités scientifiques, son attachement à Mulhouse et à ses archéologues ainsi qu’aux Sociétés savantes alsaciennes.

Sélection de lettres adressées à L. G. Werner :

L.A.S. Rabat, le 1er juin 1932. 4 pp. in-4°.

Très pris, il évoque l’expédition à Alger dont le but était l’étude des collections du Musée du Bardo : « Les collections R., appartenant maintenant à l’Etat, comprennent en chiffre rond 150.000 pièces réunies en Afrique du Nord. » [Maurice Reygasse, préhistorien français, fut le premier conservateur du musée de préhistoire et d’ethnographie africaine d’Alger. Il en fut aussi le fondateur car il avait fait don à l’Algérie de toutes ses collections recueillies au cours de ses années de recherche. Ces collections furent rassemblées au Bardo, un palais mauresque datant du XIIIe siècle et racheté en 1927 par le gouvernement général de l’Algérie]. Reygasse était en train de réorganiser ses vitrines et Ruhlmann a pu étudier en détail à part diverses pièces qu’il énumère. Il critique au passage « ces classifications qui compliquent de plus en plus les études préhistoriques », et argumente par des exemples précis. « Mais, les choses en sont là et nous autres sont [sic] obligés de nous y mettre ». Il remarque que l’âge de bronze fait complètement défaut. Il en connait cependant personnellement 4 objets. « Le fer, par contre, appartient, à ce qu’il paraît, déjà à l’époque historique ainsi que les tumuli. Toutes ces indications sont à vérifier et je ne demande pas mieux que de pouvoir étudier tout particulièrement ces questions. » A part le Bardo, il a visité également le musée archéologique d’Alger ainsi que 2 sites de fouilles dont Tipasa où il a « vu pratiquer des fouilles scandaleuses […] Le chef de chantier est un ex-maçon de 72 ans et les autres sont des indigènes qui comprennent en matière d’archéologie à peu près autant, sinon plus, que leur « patron » ». Au retour, il a visité Oran et son musée, Tlemcen et Fez. Beau voyage d’étude dont il compte profiter pour ses travaux futurs. Il évoque ensuite les nouvelles archéologiques alsaciennes « qui m’intéressent comme par le passé » et le congrès annuel des Sociétés savantes ; il attend les bulletins du Musée et de la Société. Il pense se réabonner à la Vie en Alsace, « à condition que le contenu correspond à la dépense. Dans le temps le côté historique a été sacrifié à l’illustration et des textes plus ou moins scientifiques. » Il évoque à cette occasion un petit texte sur le Mont Saint-Odile qu’il serait heureux de caser éventuellement dans cette revue, et lui demande d’intervenir dans ce sens.

 

L.A.S. Rabat, le 1er Août 1932. 4 pp. in-4°. Avec photo légendée au dos : « Graffitis berbères près Ighoum [?] (Haut-Atlas) groupe I».

Il évoque son intense activité d’archéologue. Massif du Siroua dans l’Anti-Atlas où « nous comptons parmi les premiers Européens qui ont passé par là ». Il y a trouvé « une pierre gravée inconnue et inédite jusqu’à ce jour. Son décor est de style géométrique, soit un genre à part et qui ne figure, hélas, dans aucun des ouvrages qui traitent des « pierres écrites » de l’Afrique Mineure […] » ; [voir photo ?] ; il se pose de nombreuses questions quant à son origine et sa datation Il a également découvert à proximité un monument mégalithique avec galerie couverte. Les deux pièces ont sans doute un rapport. « Cette espèce de tombe pré-ou protohistorique étant « marabout », le problème ne sera jamais définitivement solutionné, car défense absolue d’y toucher. » Il compte cependant publier ces deux trouvailles, et souhaite en attendant en préserver l’exclusivité tout en consultant des spécialistes en langue berbère et d’autres savants, exercice difficile. Il lui adresse d’autre part le brouillon dactylographié d’une note archéologique  sur laquelle il souhaite son avis. Il l’informe que Chatelain lui a confié la direction des fouilles de Thamusida, autre cité romaine du Maroc. Il organise matériellement le chantier pour commencer les fouilles d’ici une quinzaine de jours. « Si on nous accorde les crédits successifs, ces fouilles représentent plusieurs années de recherches. » Il demande ensuite des nouvelles d’Alsace et souhaite recevoir les tirés à part des publications de son correspondant. Il part demain pour Volubilis pour une quinzaine de jours remplacer le conservateur en congé.

 

C.A.S. Volubilis, le 14/8/32. 2 pp. in-8° au verso de 2 cartes photos du site. Avec 7 autres cartes de même, vierges.

Il a réorganisé le musée de la ville « que j’ai trouvé dans un état lamentable ». Il ajoute en post-scriptum une correction sur un de ses manuscrits.

 

L.A.S. Rabat, le 29 sept. 32. 3 pp. ½ in-4°.

Il demande des nouvelles de ses activités alsaciennes, puis donne des nouvelles de sa vie de famille, de son séjour à Volubilis et de la réorganisation du musée, puis surtout de ses fouilles : avec le P. Koehler, « un 1er tumulus qui nous a donné 2 anneaux de bronze. Le résultat était maigre, le travail dur sous un soleil africain. Nous comptons attaquer en commun toute une série de tumuli, question quasi inédite pour le Maroc, afin de publier plus tard nos résultats. » Il ramène également 135 kilos de silex et il a préparé une note sur un bracelet romain. Il lui adresse le brouillon de cette étude ainsi qu’une photographie [, absente,] qu’il décrit. Son travail sera suivi, au moment de la publication, par un inventaire détaillé des 114 monnaies d’argent, révision de celui établi en son temps par le conservateur. Il s’inquiète du devenir des bibliothèques du chanoine Wagner et de feu M. Kessler et espère sauver quelques pièces pour le musée et en acquérir quelques doubles si possible. Il rappelle son intérêt pour les tirés à part des travaux de son ami.

 

L.A.S. R[abat], le 19 Oct. 32. 4 pp. in-4° bi-feuillet.

Il est ravi que sa dernière note ait été retenue. Il souhaite avoir l’avis des numismates de la Société. Il adresse quelques changements à son texte, le passage sur le Volubilis primitif étant inexact, se fondant sur des sources erronées. Il met en garde à cette occasion sur quelques ouvrages obsolètes. Il joint une photo [absente] d’un petit choix des monnaies du bracelet. Il ne sait où publier cette étude, peut-être dans la revue des Hautes Etudes marocaines. Il aborde ensuite les nouvelles d’Alsace : il a lu le dernier résumé de son ami sur les tombes barbares, évoque la vente de l’imprimerie Meininger « j’en étais surpris, encore une maison bien mulhousienne qui va disparaître », demande des renseignements sur la mort d’Armand et ce que va faire Marcel ; il évoque les difficultés de déménagement de la bibliothèque municipale. Il attend avec patience les tirés à part. « Il y a six mois que j’ai remis mon premier texte, il y a 3 mois que j’ai donné le bon à tirer, mais l’accouchement se fait attendre. Petit à petit on prend le pli de bien des choses, tandis que d’autres ne sont que difficilement digestibles. »

 

L.A.S. R[abat], le 21 Oct. 32. 2 pp. in-4°.

Dans l’urgence, il demande à son ami de publier rapidement sa note sur le fameux bracelet de Volubilis. Car il apprend que le conservateur du musée « avait déjà préparé un travail sur le même sujet et qu’il met actuellement la main à la conclusion ! Mon étude, par contre, est prête et je suis décidé à ne pas me laisser devancer par qui que ce soit. » Il lui envoie donc une nouvelle copie revue et augmentée à réviser et à lui renvoyer par retour. Il précise qu’il a dû supprimer quelques passages, s’étant fondé sur « le rapport de fouilles du conservateur, document inexact sous bien des rapports. » Il recherche une revue scientifique prête à le publier « dans un minimum de temps. […] La vie, même dans l’ »empire fortuné », n’est pas toujours facile. Mais que voulez-vous de telles choses, entre collègues, sont vexantes. Mais, il ne faut pas s’en faire…. Toutefois ceci est plus facile à dire qu’à faire. »

 

L.A.S. Rabat, le 30. XII. 32. 4 pp. in-4°.

Il présente ses vœux et le remercie de son soutien, de ses conseils et de sa collaboration. Son compte-rendu sur le bracelet l’a beaucoup intéressé. Il précise la nette différence entre les bracelets de Strasbourg et celui de Volubilis. [Voir plus infra la correspondance Forrer-Werner à ce sujet] Quant à sa publication, elle n’avance pas, malgré l’urgence ; « on perd un temps infiniment précieux ! » Il évoque ensuite le petit article du « Rosmos », son premier travail de service, dont il précise qu’il n’est l’auteur ni du titre ni des deux premiers alinéas. Il a reçu le bulletin de la Société d’Histoire. « Il fait très bonne figure et ce serait dommage si nous ne pouvions en sortir un 2e N° que sous quelques années. Il faut trouver des « souscripteurs ». » Il sera membre, à partir du 1er janvier, de l’Institut Internationale d’Anthropologie « ce qui me permettra alors de placer dans le bulletin de cette association l’un ou l’autre travail ». Il est très occupé, « tous les jours il y a de nouvelles découvertes et il n’y a pas une huitaine ou je n’ai pas été obligé de faire ma partie de travail. Mais d’un autre côté on demande des travaux, des publications, etc., afin de prouver notre activité, notre existence, notre vitalité. » Il évoque le congrès de Fez, dont on ne sait toujours rien de la liste des invités officiels. « D’un autre côté, les finances du Maroc sont très malades. Nous vivons sans budget, on votera un 12e, on verra après. Mais on annonce des compressions, des restrictions, enfin des mesures salutaires – pour les finances. La situation actuelle est très sérieuse, non seulement en France ou les autres pays européens, mais également dans  Colonies, Protectorats et autres. »

 

L.A.S. Meknès, 23. I. 33. 4 pp. in-8°. En-tête du Service des Antiquités du Protectorat de la République Française au Maroc. Avec croquis et photo.

Il est en route pour Tafilalet, où l’autorité militaire a demandé la visite d’un « spécialiste ». « Il s’agit, parait-il, d’une série de gravures rupestres que des officiers ont découvertes lors des récentes expéditions militaires. Mais on signale aussi des vestiges préhistoriques. Ce sera éventuellement une longue expédition, car les « gisements » et roches gravées se trouvent à des distances allant de 100 à 200 km au sud d’Erfoud, le dernier centre militaire. Cela promet des surprises, de l’inédit, des fatigues, mais aussi des découvertes peut-être intéressantes. » Il lui adresse le brouillon d’une note sur le Volubilis préhistorique destinée au congrès de Fez ; il attend ses notes critiques. Il insiste sur 2 détails : une hache dont le type l’intrigue, et dont il joint 3 croquis sur une feuille orange, et un vase dont il joint une photo. D’autre part, il a bon espoir que son ami puisse venir en mission à Rabat.

Ruhlmann. lettres et documents

Divers documents :

  • Robert Forrer (Zurich, 1866 – Strasbourg, 1947), archéologue et savant suisse, conservateur de la Société pour la Conservation des Monuments historiques d’Alsace de 1909 à 1939. L.A.S., Strasbourg, le 20. X. 1932, adressée à Léonard-Georges Werner. 1 p. ½ in-8°. En-tête de la SCMHA.

Il lui demande s’il n’aurait pas dans son musée « un de ces anneaux-bourses […] en bronze, dont nous venons de trouver un exemplaire rarement complet portant encore son couvercle avec fermoir et charnière, de façon qu’en étant ouvert cela a dû se présenter comme ça [2 croquis]. Grandeur d’un assez grand bracelet pour un bras fort. La pièce a été trouvée en face du Palais Rohan […], avec beaucoup de tessons gallo-romains et aussi avec le sommet d’une colonne à quatre têtes presque identiques à la pièce en grès que votre musée possède […] » ; avec croquis. 

  • Brouillon autographe de la réponse de Léonard-Georges Werner, sans lieu, le 23/10/32 adressée à « Cher Monsieur» [Robert Forrer]. 1 p. in-12.

Il précise que son musée ne possède aucun spécimen de bracelet-bourse. Il signale cependant « un objet analogue, trouvé à Volubilis (Maroc) fin 1930 et dont une étude de M. Ruhlmann se trouve actuellement sous presse ». Suit une description précise du bracelet « le seul exemplaire de ce genre qui me soit connu ».

Au verso, figure le brouillon biffé de rouge d’un courrier refusant une offre concernant un gobelet dont il réfute l’origine mulhousienne (armoiries de Strasbourg, poinçon et orfèvre non mulhousiens).

  • Armand Ruhlmann. Fragment d’une lampe chrétienne trouvé à Thamusida. Tapuscrit in-4° de 7 pp., sans lieu ni date [entre 1935 et 1938]. Avec 3 reproductions de dessins en bleu légendés à l’encre bleue par l’auteur « fig. 1 Disque trouvé à Thamusida», « fig. 2 Disque trouvé à Carthage (d’après le R. P. Delattre» et « fig 3. Lampe à disque réflecteur ». Avec une photo, petit format des fouilles légendée au dos : « Les fouilles du Tumulus de Sidi Sliman / février 1938 / A. Ruhlmann ».  Publié dans le Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1938, p. 115 à 121.
  • Avec le brouillon autographe de Léonard-Georges Werner, sans lieu ni date, probablement du texte annonçant la lecture par Werner à la Société de la note de Ruhlmann concernant le Fragment d’une lampe chrétienne trouvé à Thamusida. 1 p. in-8°.

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