Victor Hugo. L’Amour et la Mort.

Hugo. L'Amour et la Mort.

 

I. La main en plâtre de Juliette Drouet, l’amour de sa vie.

Juliette Drouet main en plâtre par Pradier

Juliette Drouet main en plâtre par Pradier

[Charles Simon Pradier (1783-1847), graveur suisse]. Moulage de la main de Juliette Drouet. Plâtre. vers 1826. Dimensions 25 x 10 x 5 cm. Avec mention manuscrite à l’encre sur le socle « moulage d’une main de Juliette Drouet » et étiquette contrecollée indiquant que ce plâtre fut présenté à l’ « Exposition Universelle de San Francisco – section française – salon du Romantisme 1915 ».

Juliette Drouet main en plâtre par Pradier

Belle main droite de la maitresse de Victor Hugo, alors âgée de 20 ans.

Si le sculpteur James Pradier rencontre et devient l’amant de Juliette Drouet (1806-1883) en 1825 c’est, de tradition, à son frère graveur Charles Simon que cette main en plâtre est attribuée. La littérature sur James Pradier ne mentionne aucune représentation de l’actrice par le sculpteur genevois alors qu’il est fait mention d’une main en marbre sculptée par le graveur.  

Un marbre blanc de cette main, conservé à la Bibliothèque Patrimoniale Romain Gary de Nice, porte au dos un mot manuscrit du donateur Louis Guimbaud qui précise avoir possédé un moulage en plâtre de la main de Juliette Drouet acquis en 1912 du petit neveu de l’actrice, André Koch. Comme ce moulage avait beaucoup souffert de la poussière, il avait accepté de l’échanger en 1920 contre cette copie en marbre blanc.  

La section française et son Salon du romantisme de l’Exposition Universelle de San Francisco, en 1915, visait à recréer l’ambiance d’un salon littéraire parisien du XIXe siècle. Un courrier du 6 janvier 1915, à l’entête de cette manifestation, signé du délégué au commissariat général, M. Funck Brentano, précise que Louis Guimbaud propose pour cet évènement une pendule appartenant à l’écrivain, un buste en plâtre de Juliette Drouet par Victor Vilain, une main en plâtre de Victor Hugo réalisée par moulage en 1883, un autographe de celui-ci et une prière dictée par lui à sa compagne. La main en plâtre de Juliette Drouet devait très certainement faire partie de l’ensemble, comme l’indique l’étiquette d’Exposition apposée au dos.     

Juliette Drouet main en plâtre par Pradier

Voir Claude Lapaire, James Pradier et la sculpture française de la génération romantique, 5 continents Editions, Milan, 2010 ; Description d’une pendule ayant appartenu à V. Hugo et J. Drouet et présentée à l’Exposition Universelle de San Francisco en 1915, vente Limoges-enchères, 30 novembre 2021, n° 102 du catalogue.

Petit manque au socle sans gravité ni atteinte à la main. Petite attache métallique au socle incluse dans le plâtre.

Émouvante et splendide pièce.

Juliette Drouet

 

II. Lettre d’amour enflammée de Juliette à Victor

Juliette Drouet (pseudonyme de Julienne Gauvain,1806-1883), actrice française qui a été la maitresse de Victor Hugo pendant près de cinquante ans. Lettre autographe signée « Juliette », sans lieu [Paris], 31 juillet [1849 ?], samedi midi ½ « Jour de Ste Culotte » [à Victor Hugo]. 4 pages in-8° sur papier bleuté légèrement froissé.

Très belle lettre d’amour. Juliette Drouet se moque avec humour des dessins de son amant ; elle lui annonce avoir copié, « quelle humiliante concession ! » son « margouillis » (mélange informe et répugnant, amas confus). « J’ai dû me conformer à mon modèle en renversant ma bouteille à l’encre sur mon papier sous prétexte de couleur et d’effet ».

V. Hugo. Sans titre. Lavis d’encre sur papier. MNAM Centre Pompidou

[Hugo installera finalement son atelier de peinture dans la salle à manger de Juliette en août 1850].

Juliette Drouet Lettre à Victor Hugo

Elle en attend comme récompense sa « culotte ornée de tous ses accessoires. Il faut que la broderie l’emporte sur le fond qui ne peut être que très mince et très petit à la manière dont vous me l’avez mesuré. »

Juliette Drouet Lettre à Victor Hugo. Erotisme et passion.

Elle l’attend avec impatience, folle d’amour et de désir.

« Je me suis acquittée, avant même d’avoir rien contracté, mais je suis dans la magnifique et généreuse habitude de payer d’avance toutes les dettes qu’on paye avec de l’encre, des gribouillis, du cœur et de l’âme. C’est ma manière à moi, elle en vaut bien d’autres.

J’ai copié, copié ! quelle humiliante concession ! j’ai copié, dis-je, votre margouillis. J’ai dû me conformer à mon modèle en renversant ma bouteille à l’encre sur mon papier sous prétexte de couleur et d’effet. Enfin je n’ai rien à me reprocher si ce n’est ma trop grande faiblesse envers vous. J’espère que vous ne m’en ferez pas repentir et que vous me donnerez ma culotte ornée de tous ses accessoires. Il faut que la broderie l’emporte sur le fond qui ne peut être que très mince et très petit à la manière dont vous me l’avez mesuré. N’importe où vous irez je serai contente pourvu que je vous voie et que vous me souriiez[,] je serai contente et l’horizon, quel qu’il soit, me paraîtra le paradis terrestre et céleste. La seule grâce que je te demande, mon amour, c’est de venir de bonne heure si tu peux. Pense que le souvenir de cette soirée doit servir à illuminer bien des soirées sombres et tristes où tu ne seras pas avec moi.

Je t’aime mon Victor. Je te désire. Je t’attends. Juliette »

Vente Cornette de Saint-Cyr, Hôtel Drouot-Richelieu, 22 juin 2011, n° 27 (expert Thierry Bodin).

 

III. Victor Hugo, à propos du sentiment de l’infini, critique Pierre-Joseph Proudhon, matérialiste athée. 

Victor Hugo (1802-1885). Lettre autographe signée, Haute-Ville House, 8 septembre [1872], [à Raoul Lafagette]. 2 pp. bi-feuillet in-12. Avec enveloppe autographe adressée à « Monsieur Raoul Lafagette / 14, rue des Ursulines / Paris /  Via London / France », portant les marques postales de Guernesey, Calais et Paris, sans le timbre.             

hugo critique Proudhon

Hugo remercie le poète Raoul Lafagette (Foix, 1842-id., 1913) pour un article dans lequel le pyrénéen, très matérialiste, lui reprochait cependant son déisme ; à cette occasion, lui, Hugo, le poète au grand cœur, éprouvant le sentiment de l’infini, se compare à Proudhon, athée matérialiste, en le qualifiant de rhéteur à l’âme étroite : « Votre article, mon cher et vaillant poëte, porte l’expression de votre noble esprit. C’est une haute et belle page. Vous faites bien de marquer votre dissidence avec moi. Personne pourtant ne serait plus digne que vous d’avoir et de confesser le sentiment de l’infini. M. Proudhon appelait cela mysticisme. Mais c’était une âme étroite et vous êtes, vous, un grand cœur ; c’était un rhéteur et vous êtes un poëte. » Hugo répond ensuite à une sollicitation de Lafagette : « je vous appuierai de tout mon cœur près de Charles Blanc, si vous me croyez bon à quelque chose.. » Le Poète sollicitait un poste au Ministère des  Beaux-Arts, alors dirigés par Charles Blanc, le frère de Louis. Grâce à la recommandation de Victor Hugo et à l’appui de Louis Blanc, sa candidature sera couronnée de succès. A ce sujet, Charles Blanc avait écrit à son frère Louis : « je ferai de mon mieux pour qu’il soit préféré aux autres » (cité par Louis Blanc dans sa lettre adressée à Lafagette, Londres, 30 août 1872). 

Déçu par l’orientation politique française, battu à une élection partielle à Paris, Hugo s’était installé à Guernesey en août 1872 où il demeurera une année, le temps d’y écrire Quatre-vingt-treize. Son fils n’a pu retrouver l’article dont il est question. S’agissait-il d’un article sur les Travailleurs de la Mer dont Louis Blanc écrit à Lafagette le 22 septembre, de Brighton, qu’il lui « a paru bien pensé, vigoureusement écrit. Seulement il renferme une appréciation qu’[il] trouve un [peu] osée » ou Lafagette avait-il rendu compte de l’Année terrible parue en avril de cette année, recueil dans lequel Hugo se déclare déiste, notamment dans A l’évêque qui m’appelle athée ?

Publiée dans sa Correspondance tome III (années 1867-1873) Paris, Albin Michel, imprimé par la librairie Ollendorff, édité par l’imprimerie Nationale.

 

IV. Magnifique et émouvant poème élégiaque de Hugo sur le temps et la mort

Hugo L'Horloge

Victor Hugo.  L’Horloge. 4 premières strophes autographes [sur 6], sans lieu ni date [1859]. Recto seul sur une grande bande de papier bleu filigrané (15,5 x 42 cm).              

 

Hugo. L'horloge. Poème, strophe Il’horloge                             

on sent les pointes de la bise ;

l’hiver vient. Dans la vieille église

j’écoute l’horloge marcher ;

on dirait que quelqu’un aiguise

quelque chose dans le clocher.

 

 

 

Hugo. L'Horloge. Poème, strophe IIl’horloge des heures est l’antre.

sur le cadran qu’on voit au centre

la destinée erre à pas sourds.

quand Aujourd’hui sort, Demain entre,

et contre lui pas de secours.

 

Hugo. L'Horloge. Poème, strophe IIIdans la tour que l’airain secoue

le temps se cache avec sa roue ;

sombre, il fait de tout des lambeaux ;

douze fois par jour, l’heure avoue

qu’elle travaille à nos tombeaux.

 

Hugo. L'Horloge. Poème, strophe IVtout fuit, l’aîle comme la voile ;

l’âme, l’aube, la fleur, l’étoile,

feux follets sous le firmament !

toute la vie est sous un voile,

avec des lueurs par moment.

 

[Ne vous fiez pas à l’aurore,

C’est la minute qui se dore ;

Le lys en un jour est terni ;

L’astre s’en va ; l’âme est encore

Plus en fuite dans l’infini.

 

Le temps use dans sa logette

Ce qui vit et ce qui végète ;

L’aube, l’astre, l’âme, la fleur,

Sont quatre intécelles que jette

La meule de ce rémouleur.

                    

                                           1859]

 

Mise au net autographe par Hugo de L’Horloge, poème en six strophes de cinq vers octosyllabiques, n° 62 de la copie des Chansons des rues et des bois achevée par Victoire Etasse le 1er mars 1862. Le poème, sombre et élégiaque, dénotant avec le caractère gai et gaillard des Chansons, fut l’une des quinze pièces écartées du recueil publié en 1865, peut-être réservées par Hugo pour faire partie du volume intitulé Poésies de Jean Prouvaire et chansons de Gavroche qui ne paraîtra finalement pas.

Faisant partie des Reliquats, L’Horloge est publié, sans le titre, dans les Œuvres poétiques, collection de la Pléiade, volume III, Alentours des « Chansons des rues et des bois », p. 235, avec la note suivante : « On possède seulement le manuscrit des deux dernières strophes ; une copie a permis de reconstituer le texte complet ». En effet, la fin du poème, sur le même papier bleu filigrané, avec la même graphie, se trouve dans les fonds de la Bibliothèque nationale de France, f. 62r du manuscrit 24738, « Reliquats des Chansons des rues et des bois ». Il est numérisé et librement consultable sur Gallica :  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b60008184/f125.item.

N° 126 de la vente Charavay du 26 juin 1986. Avec certificat d’authentification établi par Michel Castaing le 17 juillet 1986.

2 petites déchirures en tête sans manque et sans atteinte au texte, petit renfort ancien à la pliure du dos. Bel état cependant.

 

Émouvant ensemble. Unique.

Prix sur demande.